Hypothèses céliniennes

suivi de Genèse d’un best-seller par Giulia Mela et Pierluigi Pellini

25/10/2024

Le titre de ce livre ne relève pas de la fausse modestie : je n’y présente effectivement que des hypothèses, à la fois philologiques, historiques, herméneutiques. Je pense qu’elles méritent une discussion : c’est pourquoi je me suis résolu à réunir dans ce volume quatre articles céliniens qui abordent des sujets quelque peu disparates – de l’énigme du mot de passe de Cassepipe au rapport de Voyage au bout de la nuit avec le modèle naturaliste, en passant par les problèmes de l’édition des manuscrits réapparus en 2021. Je propose également, en annexe, un texte écrit avec Giulia Mela : « Genèse d’un best-seller : quelques hypothèses sur un prétendu “roman inédit” de Louis-Ferdinand Céline », ITEM, Paris, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS), 22 juillet 2022 : http://www. item.ens.fr/guerre. Cet article a joué un certain rôle dans le débat sur le statut du prétendu Guerre, le premier des inédits hâtivement publiés par Gallimard en 2022 ; il constitue désormais une pièce versée au dossier de la (petite) histoire de la réception des « textes retrouvés » : j’ai donc voulu le reproduire tel quel, sans modifications ni mise à jour. Les autres articles n’ont subi que des retouches minimes :

• le premier noyau du chapitre I (« Céline et le roman de guerre ») a été présenté comme communication au XLVIIe colloque organisé à Bressanone, en juillet 2019, par le « Circolo Filologico Linguistico Padovano », puis imprimé dans les actes : P. Pellini, « La guerra al buio. Céline e la tradizione del romanzo bellico », in A. Barbieri, G. Peron, F. Sangiovanni, T. Zanon (éd.), L’armi canto e ’l valor. Il discorso occidentale sulla guerra tra storia e letteratura, Padoue, Esedra, 2021, p. 263-277 ; une version augmentée de cet article a été publiée dans un petit volume autonome : P. Pellini, La guerra al buio. Céline e la tradizione del romanzo bellico, « Elements », Macerata, Quodlibet, 2020 ; je remercie Alvaro Barbieri de m’avoir invité au colloque de Bressanone, rendez-vous toujours passionnant ; ma gratitude amicale va aussi à Luciano Curreri, pour m’avoir accueilli dans la belle collection « Elements » qu’il dirige avec Gabriele Fichera, Vittorio Frigerio et Giuseppe Traina ; et à Anne Schoysman, pour avoir révisé la traduction française ;

• le chapitre II (« D’une affaire Céline l’autre : Italie 1981, France 2022 ») a été publié dans le n° 912 de Critique (2023, 5, p. 385-397) : toute ma gratitude va à Philippe Roger, qui a révisé mon texte, après l’avoir accepté ;

• le chapitre III (« “Pléiade” palinodie : quelques remarques sur l’édition des Textes retrouvés de Céline ») a été écrit à la demande de la rédaction d’Acta Fabula, qui l’a ensuite refusé ; normalement, il aurait dû intégrer le dossier critique n° 72, paru en novembre 2023 (vol. 24, n° 10) : https:// www.fabula.org/acta/sommaire17383.php ; puisqu’Acta Fabula est une revue en ligne éditée (surtout) par des doctorants, et que le rêve (bien légitime !) de tout doctorant français et de toute doctorante française est de publier un jour chez Gallimard, il n’est pas trop étonnant qu’un article mettant en doute le sérieux philologique de la « Blanche » et (un peu aussi) de la « Pléiade » n’ait pas été le bienvenu. Par ailleurs, j’ai pardonné d’autant plus volontiers cette petite censure, que le site de l’ITEM a aussitôt accueilli mon texte (que son directeur, Paolo D’Iorio, en soit chaleureusement remercié) : « “Pléiade” palinodie : quelques remarques sur l’édition des Textes retrouvés de Céline », ITEM, Paris, Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS), 14 novembre 2023 : http://www.item.ens.fr/palinodie ;

• le chapitre IV (« Céline et Zola, quatre-vingt-dix ans après ») reprend le texte de l’allocution que j’ai prononcée à Médan le 1er octobre 2023 (il vient de paraître dans Les Cahiers naturalistes de 2024 : n° 98, p. 307325) ; je tiens à remercier Alain Pagès et Olivier Lumbroso, ainsi que la Société Littéraire des Amis d’Émile Zola.

Chacun des quatre chapitres a gardé son autonomie bibliographique et la cohérence interne de son discours. Un certain nombre de redites (somme toute assez limitées) était le prix à payer pour assurer au lecteur la possibilité de lire séparément les différentes parties de ce volume. 

Je n’ajouterai qu’une chose, en guise d’envoi.  Je ne suis pas censé être un spécialiste de Céline. Je suis comparatiste ; j’ai travaillé surtout sur le naturalisme (français et italien). Depuis que j’ai publié ma traduction de L’Assommoir de Zola, en 2010, ma grande ambition célinienne était de traduire également Voyage au bout de la nuit, pour offrir enfin au lecteur italien une version aussi correcte et efficace que possible du premier et plus grand chef-d’œuvre de Céline (celle d’Ernesto Ferrero, la seule que l’on trouve dans les librairies de la péninsule, est on ne peut plus mauvaise). Ma grande ambition était (elle l’est encore) de prendre le temps de traduire Voyage, quelques lignes par jour, afin de savourer longuement chaque phrase et d’achever finalement mon ouvrage en 2031, quand les écrits de Céline entreront dans le domaine public – il me serait impossible en tout cas de publier ma future traduction avant cette date, les droits d’auteur étant hors de prix. Les circonstances en ont décidé autrement : depuis quelques années, j’ai très peu traduit Céline ; en revanche, j’ai beaucoup étudié son œuvre. Si j’ai décidé de recueillir en un volume ces quelques articles, c’est aussi pour marquer cette étape, et en revenir avec bonheur à ma traduction.